Rencontres « Crise et Critiques de la pensée « décoloniale » »

 Ci-dessous le programme des prochaines rencontres Crise & Critique à Paris, le week-end du samedi 26 et dimanche 27 avril 2025. Lieu : La Générale | Laboratoire artistique politique et social, 39 rue Gassendi, 75014 Paris.

Samedi 26 avril

9 h30 : César Rousseaux – Bouteldja : de Fanon à Soral, un itinéraire Strasserien vers l’ontologie réactionnaire ?

Il s’agira d’étudier de manière critique les conceptions intellectuelles qui traversent les courants décoloniaux français et leurs homologues américains. Sans entrer dans les polémiques volontairement alimentées par ce courant, nous essayerons, au contraire, de comprendre pourquoi ce côté provocateur et populiste constitue à la fois l’aspect attractif du Parti des Indigènes de la République (PIR) et de ses successeurs pour une partie de la gauche, et un écueil inévitable, étant donné les fondements de la pensée décoloniale en France. Nous tenterons de discuter collectivement comment une approche plus littéraire que véritablement théorique de la question des inégalités s’est transformée, en l’espace de deux décennies, en une régression réactionnaire, une image accélérée d’un processus que la gauche connaît depuis le stalinisme.

14 h : Pierre Gaussens (sociologue et chercheur au Colegio de Mexico) – « La colonialité du pouvoir, ersatz ‘‘décolonial’’ du colonialisme interne : une discussion latinoaméricaine »

Il s’agira de comparer de manière critique les concepts de colonialisme interne et de colonialité du pouvoir, en les mettant en débat afin d’évaluer leur pertinence analytique. Pour ce faire, nous nous appuyons sur les travaux de cinq représentants de la sociologie latino-américaine : Pablo González Casanova, Rodolfo Stavenhagen (Mexique), Aníbal Quijano (Pérou), Silvia Rivera Cusicanqui et Luis Tapia (Bolivie). Notre argument est que le « colonialisme interne » représente un concept classique qui est toujours pertinent pour comprendre la continuité de la domination coloniale en Amérique latine, par opposition à une « colonialité du pouvoir » qui, bien qu’à la mode, n’est pas sans poser des problèmes théoriques de formulation. Ce contraste est illustré par la sociologie bolivienne contemporaine, qui contribue à la redéfinition et à l’actualisation du colonialisme interne, non seulement en tant que mode de domination, mais aussi à partir des luttes sociales qui lui opposent une résistance anticoloniale. Il s’agira de présenter les termes d’un débat qui anime aujourd’hui l’intelligentsia latino-américaine et qui la divise entre deux grands pôles : le courant dit « décolonial », qui promeut l’idée de « colonialité », et la pensée critique issue des traditions indianiste, marxiste et anarchiste, qui défend le bien-fondé du concept de « colonialisme interne ».

17h : Memphis Krickeberg (doctorant en sociologie) – La théorie bouteldjienne du « philosémitisme d’État »: une explication antisémite de l’antisémitisme contemporain

M. Krickeberg est attaché au Centre d’Études sur l’Antisémitisme de l’Université technique de Berlin et au Département de Sciences Politiques de l’Université de Montréal. Il fait une thèse intitulée  » Étude comparée des controverses autour de la gauche et de l’antisémitisme en France et en Allemagne. 2000-2020. » Son intervention poursuivra la série de deux entretiens qu’il a donnés sur la chaîne YouTube de Martin Eden. 1ère partie : Un philosémitisme d’état ? #1 (avec Memphis Krickeberg) – YouTube ; 2ème partie : Un philosémitisme d’état ? #2 (avec Memphis Krickeberg) – YouTube

Dimanche 27 avril

14 h : Clément Homs – Que faire du concept de « colonialité » ? Sur les conditions d’une transformation d’un concept dans le contexte de la Critique de la valeur-dissociation

À partir d’une critique du concept de « colonialité » du pouvoir, du savoir, de la nature et de l’être tel qu’il est utilisé dans le courant dit « décolonial », nous insisterons sur les présupposés théoriques et historiques erronés de la pensée « décoloniale », en soulignant que son relatif succès doit être réévalué à l’aune des subjectivations dans le capitalisme à sa limite interne absolue. Comme l’une des idéologies de crise « anti-occidentale » d’acculturation paradoxalement syncrétique et oppositionnelle, la pensée « décoloniale » est traversée tout autant par l’essentialisme stratégique et la réification culturaliste de l’« Occident » et par le vide identitaire des sujets modernes (l’identité-zéro) que par la réification affirmative et réactionnaire des identités fantasmées, culturelles et religieuses, « autochtones » et « authentiques ». À partir de la théorie scholzienne des niveaux et d’une discussion sur la structuration du niveau culturel-symbolique des sociétés modernes, nous tenterons de proposer de nouvelles voies pour re-théoriser le concept de « colonialité », afin d’inscrire le fait colonial et le racisme colonial dans différentes aires du système-monde capitaliste contemporain.